Dans un contexte économique évolutif et dans un secteur de l’emploi en forte tension, le droit doit s’adapter aux besoins et attentes des acteurs du marché du travail (employeurs comme salariés).
Le CDD de remplacement, destiné à pallier l’absence temporaire d’un salarié permanent, est depuis longtemps un outil incontournable pour assurer la continuité des activités. Cependant, il était limité par la loi puisqu’un contrat devait être conclu pour chaque remplacement d’un salarié absent (un contrat = un salarié absent). Pour contrer cette rigidité pendant la crise sanitaire du Covid-19, l’expérimentation d’un nouveau type de CDD « multi-remplacement » a été mise en place, permettant la conclusion d’un contrat avec un seul salarié pour remplacer plusieurs salariés absents simultanément ou consécutivement. Cette expérimentation a été reconduite en 2023 pour deux ans dans un champ restreint de secteurs d’activité éligibles (68 branches). Cette expérimentation est arrivée à son terme le 13 avril 2025.
Pourtant la DGT a publié en mars dernier un rapport d’évaluation du « CDD multi-remplacement » qui souligne les bénéfices de cette évolution, tant pour les employeurs que pour les salariés.
Nous voyons au moins trois bonnes raisons à la reconduction et à la généralisation de ce dispositif.
Les données recueillies par la DGT révèlent que ce dispositif a permis de réduire de manière significative le volume de contrats signés pour des motifs de remplacement. En effet, près de deux tiers des structures interrogées dans le cadre du rapport (66,3 %) affirment que le CDD multi-remplacement contribue à diminuer le nombre de contrats nécessaires, avec des réductions variant entre 10 % et 50 % selon les périodes et les besoins spécifiques.
Ce constat est encourageant durant les périodes de forte activité, comme les congés estivaux, où le dispositif s’avère particulièrement adapté pour gérer les absences successives. De plus, le CDD multi-remplacement permet de remplacer en moyenne 2,6 salariés par contrat, illustrant ainsi son efficacité dans la gestion des remplacements et évitant la complexité administrative liée à la multiplication des contrats.
Les résultats de l’évaluation montrent également que, lorsque les entreprises parviennent à surmonter les obstacles initiaux, le CDD multi-remplacement répond efficacement à leurs besoins tout en facilitant la gestion des ressources humaines par la réduction des coûts de gestion, principalement grâce à la simplification administrative qu’il engendre.
Un autre aspect positif réside dans l’allongement de la durée des contrats : 62 % des entreprises constatent que ce dispositif permet de transformer des engagements initialement courts en contrats de plusieurs mois.
Ainsi, le CDD multi-remplacement représente une avancée significative pour les salariés, leur offrant des contrats plus longs qui réduisent les périodes d’intercontrats souvent source d’instabilité et de précarité. En bénéficiant de ces contrats prolongés, les travailleurs peuvent non seulement jouir d’une stabilité accrue, mais également accumuler des droits au chômage, ce qui leur assure une protection financière en cas de nécessité.
Le CDD multi-remplacement ne se limite pas à une simple question de flexibilité pour les employeurs et d’attractivité pour les salariés, mais constitue également un levier essentiel pour améliorer la prise en charge des personnes et garantir un accompagnement de qualité.
En permettant aux professionnels de rester en poste sur des périodes prolongées, ce dispositif assure une stabilité dans les équipes, ce qui est essentiel pour garantir une continuité dans l’accompagnement et établir des relations de confiance avec les usagers.
Dans le secteur social et médicosocial notamment, un accompagnement régulier par le même intervenant permet de mieux comprendre les besoins spécifiques des individus, d’adapter les interventions et de suivre l’évolution des situations. De plus, cette continuité favorise une transmission fluide des informations entre les membres de l’équipe, réduisant ainsi les risques d’erreur et d’incompréhension. Ce constat est également valable dans d’autres secteurs.
Nous appuyons ainsi non seulement la pérennisation de l’expérimentation du CDD de
multi-remplacement, mais également de son extension à l’ensemble des secteurs afin d’optimiser la flexibilité et l’efficacité du marché du travail.
Nous devons néanmoins garder à l’esprit les garde-fous indispensables afin d’éviter des dérives et des erreurs. En effet, le CDD multi-remplacement est nécessairement plus complexe que le CDD traditionnel car il doit viser plusieurs situations concomitantes et/ou consécutives.
Cependant,une fois certains paramètres techniques et juridiques maîtrisés (tels que la durée des remplacements, le temps de travail, les qualifications requises et les modalités de rémunération), nous sommes convaincus que le CDD multi-remplacement est une solution efficace pour répondre aux défis liés à l’absentéisme et aux fluctuations d’activité, facilitant ainsi la gestion des ressources humaines et améliorant la qualité des services rendus.